Récemment, j’ai amené mon fils au parc du boulevard Hamel, cette aire de jeux en face de la grande place déserte, celle avec une statue d’un cerf qui semble regarder tristement son reflet blanc sous ses pieds avant d’aller se noyer. Cette œuvre en bronze est intitulée La Rencontre.
C’était au début de novembre, qui s’installait comme une morsure de chien dans une journée grise et venteuse, tellement froide qu’il n’y avait pas un chat dehors. Le vent brassait les arbres pour leur faire perdre avec violence leurs dernières feuilles déjà tournées du rouge au brun.
On entendait les sifflements des bourrasques à travers les branches, comme de grands cris essoufflés ou des pentures rouillées de volets qui allaient s’abattre sur les murs de béton du nouveau Colisée mort-né, de l’autre côté de la place.
Absorbé par ce paysage d’extinction, mes pensées revenaient en arrière, projetées par les rafales dans des recoins sans lumière.
Ailleurs dans le monde, la haine, l’ignorance, la pauvreté et la maladie s’unissaient pour ajouter une impression générale de déclin.
Un rire m’a tiré de là. Puis le plus beau mot de l’Univers, « papa ». De sa voix rieuse de cinq ans, mon fils, que ni le vent ni le froid empêchaient de jouer, à lui seul venait de peupler de vie forte et de gaieté l’entièreté du parc et de la place, de toute la Terre.
« Regarde, papa ! »
J’ai souri. J’étais bien. C’était beau. Mon fils était beau.
J’ai regardé de nouveau la statue. Le cerf n’allait plus se noyer, il se voyait autrement dans son image miroir, son reflet blanc élevait tout ce qu’il était vers le ciel. Il le soutenait en équilibre.
